20080828

Certains s'endorment, d'autres brûlent le théatre

Tout récemment, j’ai découvert qu’un de mes collègues de bureau écrivait des nouvelles. Le genre de truc qu’on écrit vite fait bien fait pour passer le temps quand on est étudiant en quelque chose et que le stage que l’on fait n’est pas spécialement très intéressant.

Comme je ne connaissais pas son « amour » pour l’écriture, je lui ai très gentiment demandé de me faire une impression de sa petite œuvre, histoire que je vois à quoi ça pouvait bien ressembler et surtout parce que, ma curiosité aidant, j’avais envie de voir de quoi il en retournait.

On en apprend toujours sur les gens en lisant leurs écrits. Et sans aller jusqu’à dire que ce mec sera à coup sur le parrain de mon premier enfant, je dois admettre qu’il m’est assez sympathique.

Sa nouvelle s’intitule « Décadence en modestes montagnes » et elle narre une tranche de vie d’un jeune garçon qu’on croit pas trop comme les autres, mais qui au final n’est rien de plus qu’un chiard qui est loin de faire l’âge qu’on veut bien lui donner et qui porte des jugements bien adultes sur des évènements qu'un adulte même aurait du mal à exprimer. Une espèce de Juno, très certainement écrit bien avant, mais ou le personnage principal n’essaierait pas de faire la morale nulle à qui accepte de l’entendre.

C’est relativement bien écrit. Enfin, c’est pas non plus du grand art, mais ça se laisse facilement lire dans le métro, quand vraiment on a rien à se mettre sous la dent. Le style est agréable, même si pas forcément abordable à certains passages, mais ça ne s’assume pas comme ça le devrait. On sent les diverses influences, qu’on aime ou pas, on se rend bien compte que c’est un gros melting pot de pop culture, de trucs vu et revu en librairie comme au ciné, mais qu’on ne se lasse pas d’entendre quand c’est bien raconté. Le truc c'est qu'au final, ces influences ne jouent pas souvent dans le même registre et forment rarement un truc homogène. C’est un peu comme si on mangeait des frites avec de la bolognaise. Y’a peu d’auteurs qui peuvent te faire avaler des frites avec de la bolognaise. Y’a peu de cinéaste aussi. Et puis surtout, ca part dans plusieurs directions et ca ne mène pas du tout là ou ça devrait aller. Alors on peut appeler ça un effet de style, une manière de prendre le lecteur à contre-pied pour lui faire croire que c’est dans la main gauche, alors qu’au final c’est dans la main droite, mais c’est maladroitement mis en scène. Comme un truc à la webcam sur Youtube. Ca a son charme, mais c'est pas ce qu'on aimerait voir. Tout le monde ne peut pas se prétendre le roi du plot twist, même si on y met toute la bonne volonté du monde.

Plus j’en lisais, plus j’avais envie d’en voir le bout. Pas parce que ça m’emmerdait, plutôt parce que j’en avais envie. Mais je ne m’explique pas si c’est parce que c’était bien, ou juste parce que je connaissais personnellement son auteur. Le truc n’est pas spécialement long, c’est une nouvelle de 24 page A4 en Times New Roman 12 et ça se termine à peu près comme ça a commencé. En fait, je crois que le souci, c’est qu’il arrive à tenir en haleine, mais qu’il a rien dans son jeu. Alors on croit qu’il bluffe et on veut faire grimper la gagne, on essaie de faire le tour du mur, mais de l’autre coté, y’a rien. Et on peut foncièrement pas apprécier ce genre de roublardise. Quand on suit une carotte, à la fin on veut la bouffer. Là, on a la carotte et le baton.

Ça se ressent surtout sur la fin. On sent comme une lassitude dans le rythme apporté au récit. Comme s’il avait commencé comme il en avait envie, qu’il continuait parce qu’il était encore motivé puis qu'il a terminé parce qu’il l’avait commencé, mais pas parce qu’il en avait envie.

C’est dommage. Mais ça a au moins eu le mérite de me donner envie d’écrire une nouvelle moi aussi. Et puis je la lui ferai lire. Et puis il détestera très certainement et puis… Ben rien.

Petit morceau choisi, parce qu’il le vaut bien :

Le problème c’est que ma mère tient à ce bout de chiffon et que ca annonce officiellement que le reste de la soirée va être aussi pénible pour moi que l’événement qui l’a lancé : la patte d’ours de mon père bien lancée par ses 110 kilos directement dans ma mâchoire, mon nez et une partie de mon arcade sourcilière.
D’un point de vue sportif, si on aime la boxe, c’était pas mal du tout. D’un point de vue moral, si l’on prend en compte mes neufs ans, mon mètre cinquante et mes 40 kilos, c’est déjà moins glorifiant. Même si la gloire ne semble pas avoir été une des aspirations de mon géniteur dans cet élan de violence filiale.

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